L’arbre et le fruit
Le café provient du noyau d’un fruit qui pousse sur un arbuste appelé caféier, du genre Coffea. Il en existe plus de 120 espèces, mais deux sont principalement consommés : l’Arabica, plus qualitatif, et le Robusta, dont le principal avantage est, comme son nom l’indique, d’être plus robuste. Cet article sera centré sur l’Arabica, et plus particulièrement sur ce qu’on appelle le café de « spécialité » (speciality coffee), qui se définit par opposition au café dit de « commodité » (commodity coffee). Le café de spécialité répond à des standards de qualité et de traçabilité plus exigeants que le café de commodité, pour lequel notamment le terroir et l’aspect gustatif ne sont pas considérés comme pertinents.
Les caféiers Arabica poussent en altitude mais ne supportent pas le gel et nécessitent une pluviométrie relativement importante. Les plus grandes productions se situent ainsi entre les tropiques. Depuis l’apparition de cette espèce, que le consensus scientifique actuel situe au Soudan, différentes variétés de caféiers qui ont été répandues tout autour de la planète. Les variétés cultivées, ou cultivars (cultivated varieties), ont été sélectionnées pour leur qualité gustative, leur résistance aux maladies et leur rendement. Selon le climat, il peut y avoir une ou deux floraisons, productions puis récoltes des fruits, qui contiennent chacune deux fèves ou grains de café.
La graine (ou café vert) est couverte d’une fine peau, la pellicule argentée, elle-même protégée par une coque plus épaisse, la parche. Vient ensuite la pulpe du fruit puis la dernière protection, la peau.
La cueillette se fait idéalement lorsque le fruit est mûr, il prend alors généralement une couleur rouge-orangée, d’où l’appellation commune « cerise de café ».
La récolte
La cueillette se fait encore principalement à la main. En effet, si différentes méthodes mécaniques existent, les plantations sont souvent difficilement accessibles aux machines car en haute altitude et escarpées. De plus, la technique la plus utilisée (dite d’égrappage ou stripping) secoue les arbres, ce qui endommage les branches et donc les récoltes futures. Enfin, ce procédé récupère toutes les cerises à l’aveugle y compris celles qui ne sont pas mûres.
Afin d’obtenir une meilleure qualité, les ramasseurs peuvent sélectionner uniquement les cerises mûres et effectuer plusieurs passes pour récupérer celles laissées sur l’arbre : c’est la méthode dite du hand picking. Les cueilleurs enlèvent également les cerises pourries à titre préventif, car celles-ci peuvent transmettre des maladies au reste de l’arbre. Cette méthode est plus exigeante car, en plus de la difficulté physique, elle nécessite une sensibilisation des cueilleurs : ceux-ci sont payés au poids, ce qui les encourage à cueillir le plus de cerises possibles, y compris les cerises non-mûres ou ayant des défauts (par exemple celles partiellement endommagées). Une fois récoltées, les cerises sont amenées à la ferme où elles seront triées.
Le tri des cerises
La plupart des producteurs ayant accès à une main-d’œuvre peu onéreuse, et pas assez d’argent pour acheter des équipements, le tri est souvent fait à la main. Une solution plus efficace est d’utiliser un réservoir de flottaison : les cerises sont plongées dans un grand bassin d’eau où les cerises vertes flottent à la surface. Celles-ci seront récupérées et traitées différemment des cerises mûres, qui sont plus chargées en sucres et couleront au fond du réservoir puis seront récupérées pour le traitement suivant, le séchage et la fermentation.
Séchage et fermentation
A ce stade, le café est beaucoup trop humide pour être stocké et transporté dans de bonnes conditions. Les méthodes de séchage et de fermentation des cerises ont un impact considérable sur les arômes du café. Ils existent de nombreuses méthodes, qui peuvent être grossièrement séparées en deux groupes : la voie sèche dite “naturelle”, et la voie humide ou “café lavé”.
Voie sèche :
C’est la méthode la plus ancienne et de loin la plus économique en eau, mais elle est malheureusement susceptible de provoquer de nombreux défauts. Une fois récoltées, les cerises sont étalées sur le sol (parfois en béton mais encore souvent en terre) ou mieux sur des lits dits “africains” (qui permettent une meilleure circulation de l’air autour de la cerise). Elles sèchent au soleil et sont retournées de temps en temps afin d’éviter la moisissure et la pourriture des grains. Une fois séchées, les cerises seront dépulpées mécaniquement (souvent manuellement) avant d’être stockées pour l’exportation.
Cette méthode, aussi appelée voie naturelle, ne fait pas l’unanimité dans l’industrie du café. Certains recherchent ces saveurs de fermentation, de fruits mûrs. D’autres trouvent que ces cafés manquent souvent de subtilité et masquent l’influence du terroir. Néanmoins, si le procédé de voie sèche est bien maîtrisé, le résultat peut-être délicat, subtil, et apporter une complexité aromatique bienvenue.
Voie humide :
Une fois récoltées, les cerises seront dépulpées mécaniquement avant d’être le plus souvent immergées dans un réservoir d’eau où les morceaux de pulpe restés collés aux noyaux subiront un processus de fermentation. Après cette étape, le café est “lavé” pour enlever les dernières traces de pulpe. Le café sera ensuite séché, mécaniquement ou étalé au soleil.
La voie humide est souvent plus coûteuse que la voie sèche, mais elle permet de mettre en valeur le terroir et la variété du café, son acidité, sa complexité et son éventuelle absence de défaut (tel que l’astringence due à des cerises pas assez mûres).
Méthodes hybrides
Les autres méthodes peuvent être vues comme des variations entre les deux présentées précédemment.
La plus connue est la méthode pulped natural, historiquement développée au Brésil. Cette méthode essaye de combiner la qualité de la voie humide avec l’économie d’eau de la voie sèche. Après la récolte, les cerises sont dépulpées mécaniquement, en laissant plus ou moins de pulpe pour jouer sur le côté fruité/fermenté du café. Le café est ensuite étalé sur des lits africains pour sécher, la fermentation se faisant en milieu sec comme dans la voie naturelle, mais donc sans la peau et la pulpe.
Le résultat gustatif est souvent assez proche de celui obtenu avec la voie humide, généralement en moins acidulé, plus corpulent, plus fruité/fermenté.
Quelle que soit la méthode utilisée, le café a maintenant perdu assez d’humidité pour être mis au repos sans risque de pourriture.
Repos et décorticage
Le repos, qui dure en moyenne trente à soixante jours, permet une bonne stabilisation des grains de café. Si cette étape est raccourcie, le café présente souvent un côté très “vert”, herbeux et agressif, et risque paradoxalement de perdre rapidement sa fraîcheur.
Vient ensuite le décorticage de la parche qui protège le grain vert mais doit être enlevé avant la torréfaction. Ce décorticage, généralement réalisé dans le pays producteur pour limiter les coûts de transport, est mécanique et précède des étapes de tri supplémentaire qui permettent d’affiner les lots mis en vente. Le café est ensuite conditionné pour l’exportation.
Conditionnement
Historiquement, le café vert est mis dans des sacs en toile de jute, écologique et économique, de 60 à 70 kg selon les pays. Le gros défaut de ce conditionnement est sa très grande perméabilité : le café est exposé aux risques de moisissure ou, au contraire, à une trop grosse perte d’humidité. Ce conditionnement est maintenant utilisé uniquement avec des cafés peu chers, car, pour un coût supplémentaire relativement faible, il est possible de stocker le café dans des sacs en plastique (GrainPro bags) mis dans les sacs de jute. Enfin, pour certains cafés plus haut de gamme, il est possible de mettre sous-vide puis d’emballer dans des boîtes en carton. Le café vert est maintenant prêt à être exporté dans les pays consommateurs.
Transport
Le café est principalement transporté par cargo car l’impact économique et écologique est faible au regard de la quantité chargée (+/- 300 sacs de 60kg par conteneur, un porte-conteneur pouvant en transporter plusieurs milliers). Un des principaux challenges à cette étape est la logistique administrative due aux réglementations propres à chaque pays, avec pour conséquence une possible immobilisation des cargos dans des ports souvent chauds et humides, avant la livraison chez les importateurs et torréfacteurs.
L’achat
Pour le torréfacteur, l’achat du café se fait soit directement avec les producteurs, les coopératives ou des importateurs. Il existe également de nombreux intermédiaires, dont la plus-value peut souvent être légitimement questionnée. A chaque étape, des échantillons du café sont torréfiés et “cuppés”, c’est-à-dire goûtés selon une procédure standardisée, afin d’en déceler les défauts et les qualités.
La torréfaction
La torréfaction est l’action de griller le café vert en prenant en compte principalement le temps de cuisson et la température finale, généralement comprise entre 200 et 250°C. Cette étape est cruciale car elle permet la création de centaines de composés aromatiques. Le “profil” de torréfaction permet de contrôler les trois éléments indispensables à l’équilibre d’un café, à savoir l’acidité, la douceur et l’amertume.
Sous l’effet de la chaleur, le grain perd de l’humidité, augmente de volume et change de couleur, passe du vert au marron ou noir selon le degré de torréfaction.
De manière générale, une torréfaction plus poussée augmente l’amertume du café et réduit son acidité finale. La douceur, elle, s’exprime à travers une courbe qui atteint son apogée entre les sommets de l’acidité et de l’amertume. Cependant, si le café vert n’est pas de bonne qualité, il sera très compliqué pour un torréfacteur de trouver le bon profil de torréfaction. Il s’agira de masquer les défauts plutôt que de développer son potentiel. Enfin, il reste une dernière étape avant l’extraction du café en tasse, le dégazage.
Le dégazage et la conservation
Lorsque le café est torréfié, il est souvent intéressant de le laisser “reposer” avant de le consommer. Cette étape que l’on nomme le “dégazage” permet de laisser les gaz produits lors de la torréfaction (principalement du gaz carbonique) s’échapper des grains. Ce processus, qui prend en moyenne cinq à vingt jours selon le degré de torréfaction, est très important pour la méthode espresso car un café trop fraîchement torréfié sera plus compliqué à extraire et moins savoureux. C’est pourquoi les paquets de café de qualité sont pourvus d’une soupape unidirectionnelle qui permet au gaz de s’échapper du sac mais empêche l’air d’y entrer.
La conservation du café en grains ou moulu se fait de préférence à l’abri de la lumière et de l’humidité. Si vous utilisez votre café rapidement, le mieux est de le conserver dans un récipient qui permet le dégazage mais empêche l’oxydation, ou à défaut une boite hermétique.
Avant la dernière étape, l’extraction, il va falloir moudre les grains de café.
La mouture et l’extraction
Le grain de café torréfié est encore beaucoup trop dense pour être extrait efficacement. Il faut le moudre, c’est-à-dire le broyer selon une granulométrie adaptée à la technique utilisée ou au matériel à votre disposition. Il en existe de nombreuses, plus ou moins rapides, et donnant un café plus ou moins concentré.
Pour obtenir la boisson attendue, plusieurs méthodes existent. La plus classique dans les cafés en France est l’espresso, café extrait sous haute pression à une température typiquement entre 90 et 95°C, qui peut se décliner avec du lait pour un Cappuccino ou un Latte par exemple. Il existe également des méthodes dites douces, par filtration (lixiviation), percolation, infusion, décoction, etc.
Selon les pays et les cultures, commander un simple café ne vous donnera pas la même boisson. Aux Etats-Unis, un café sera probablement fait en filtre et servi à volonté. Au Vietnam, un café est servi avec du lait concentré sucré, alors qu’en Italie on vous servira un café très concentré, plus qu’en France, où un café servi dans un bar est un espresso plus dilué.
Pour finir cette belle histoire …
Le terroir, le cultivar, l’attention portée à la cueillette, à la fermentation, au transport, à la torréfaction, à l’extraction, tous ces paramètres ont une influence déterminante sur le produit final : le café que vous dégustez chez vous ou dans votre coffee-shop préféré. Nous espérons qu’après avoir lu cette courte présentation de la longue chaine humaine entre le fruit et la tasse, vous verrez votre tasse de café d’un autre œil.